Les acteurs de la génération de lead vivent une occasion unique de revoir la manière dont ils pilotent leur acquisition grâce aux opportunités ouvertes par l'IA.
Mais soyons honnêtes, dans un contexte instable où la rentabilité est reine, le réflexe naturel est de verrouiller les coûts, et non d’expérimenter de nouvelles approches. Pourtant, une nouvelle génération de décideurs prouve que l'inverse fonctionne mieux. C'est en lâchant prise sur le contrôle manuel, et en se laissant guider par la demande réelle (« Demand-Led Marketing ») que la croissance se débloque.
Pour comprendre ce changement de paradigme, nous avons donné la parole à celles et ceux qui ont sauté le pas. De la banque en ligne avec Fortuneo au SaaS B2B avec Skello en passant par le géant du dating Match Group, toutes ces entreprises ont accepté de déconstruire leurs certitudes pour reconstruire leurs stratégies avec l'IA et la donnée pour des performances décuplées. Témoignages.
Fortuneo : briser le « plafond de verre » du volume
Le secteur bancaire est sans doute l'un des plus réfractaires au risque. Chez Fortuneo, un défi de taille se présentait : comment satisfaire l'ambition du plan stratégique « Faire 2030 » (qui vise à doubler la base clients de 1,4 à 2,8 millions) sans dégrader la qualité des prospects recrutés ? Traditionnellement, la banque en ligne menait ses campagnes avec prudence, craignant qu'une acquisition trop massive de clients ne compromette la rentabilité.
Alexis Mollet, responsable acquisition chez Fortuneo, décrit cette tension : « Nous avions l'impression d'avoir atteint un plafond de verre en termes de volume. » La crainte ? Que l'IA, laissée en autonomie, aille chercher du volume mais avec un gros point d'interrogation sur la qualité.
La rupture a eu lieu lorsque l'équipe a décidé de changer le signal envoyé aux algorithmes. Au lieu de piloter au « simple lead », Fortuneo a connecté ses données propriétaires pour optimiser ses campagnes. « Le déclic a été de chiffrer le coût de l’opportunité manquée. Concrètement, nous avons modélisé des scénarios : "Si on lève la contrainte budgétaire mais qu'on maintient notre exigence de CPA, quel est le volume additionnel disponible sur le marché ?" Les chiffres étaient trop importants pour être ignorés » explique Alexis Mollet. En prouvant à la direction financière que l'IA pouvait distinguer un prospect curieux d'un futur client rentable, Fortuneo a vu son approche validée.
En adoptant Broad Match et des solutions comme AI Max, la banque a opéré un changement de mentalité important : « Le budget n'est plus une limite fixée en début d'année, il devient une variable d'ajustement pour capturer cette demande rentable, » précise l'expert. Les résultats valident cette prise de risque : une hausse de 30 % de nouveaux clients accompagnée d'une baisse contre-intuitive du coût d'acquisition de -25 % sur la période testée.
Match Group : un alignement « total » des données
À l'échelle mondiale, Match Group doit faire face à un défi sociétal : la « dating fatigue », cette saturation mentale liée à la recherche d’un·e partenaire à l’ère du numérique. En parallèle, la multiplication des acteurs a saturé le marché, rendant difficile l’engagement financier des utilisateurs et des utilisatrices. C’est donc un pilotage à la valeur que devait mettre en place Nonna Minasyan, senior director media and measurement, pour le groupe.
Comme souvent, cela passe par un socle de mesure solide : « Avec nos équipes média, privacy et Google, nous avons fait un travail d'alignement crucial entre la collecte des données consenties, la régulation et nos objectifs business. Car on le sait, sans signaux clairs, l’IA est aveugle. Et dans un parcours de génération de lead, long et complexe, on ne peut pas espérer de bons résultats si on ne lui donne qu’une partie de l’information. » Ce changement a permis de passer d’un pilotage au CPA (coût par acquisition), à un pilotage au « D7 » (revenu généré pendant les 7 jours suivant une inscription). Au plus proche du business.
En acceptant de partager cette donnée sensible et en adoptant des formats automatisés comme Performance Max et AI Max (au Royaume-Uni), le groupe a permis à l'IA de faire le tri entre les curieux et les abonnés potentiels à forte valeur. « On a partagé nos vrais objectifs business, et cela a tout changé » confirme Nonna Minasyan. « Cette ouverture, combinée à la force de la technologie, nous a permis de connecter la performance média à la valeur business réelle. »
Les résultats sont sans appel : sur des marchés tests comme le Royaume-Uni, cette stratégie a permis de doubler les volumes tout en augmentant le D7 de 20 %. On peut parler de match.
Skello : challenger les a priori pour se reconnecter à la demande réelle
Si Fortuneo a dû vaincre des doutes concernant la qualité du lead, Skello a dû surmonter celle du calendrier. Dans le monde du SaaS B2B, un a priori à la vie dure : le mois d'août est un désert commercial. « On subissait la saisonnalité au lieu d'essayer de l’anticiper, » reconnaît Eliott Guérin, VP marketing de la scale-up. Il était d'usage de suspendre les budgets lors des départs en vacances des décideurs.
Pourtant, en lançant un travail d’analyse des données de recherche avec les équipes Google, Skello a découvert une anomalie de marché. Si la demande baisse légèrement en été, la pression publicitaire, elle, s'effondre totalement. Eliott Guérin résume l'opportunité : « Comme tout le marché pense que le mois d'août est inactif, tout le monde coupe les budgets. »
Un insight qui s’est transformé en océan bleu. Au lieu de se retirer, la marque a augmenté ses investissements de 120 % au cœur de l'été pour profiter d’une équation : « Moins de concurrence, signifie des CPCs beaucoup plus bas, » comme nous le rapporte Eliott Guérin.
Une stratégie qui a transformé une période creuse en record historique pour un mois d’août, générant une croissance de 142 % de nouveau MRR (Revenu Récurrent Mensuel) par rapport à l'année précédente. Cette offensive a même amélioré le ROI de près de 10 % et instauré un pivot stratégique : le pilotage 100 % basé sur la demande réelle.
La donnée contre l’intuition
Trois marques, mais une vision commune : celle d’un marketing qui ne vise plus à acquérir des clients là où l'on pense qu'ils sont, mais à donner aux algorithmes les moyens de les trouver là où ils sont réellement. En somme, passer de l’intuition à la donnée, c'est très certainement là que se joue la croissance de demain.