Et si le digital était le secret de la recette ? Il bouscule nos habitudes alimentaires, rapproche consommateurs et producteurs et facilite la découverte de cultures culinaires. Tous en cuisine au Food Morning #3 le 4 avril 2017 à Paris pour goûter les tendances et croquer les opportunités en food marketing !
Photos et vidéos : l’appétit vient en cliquant
Le food est le sujet le plus discuté sur le net après les loisirs et la technologie. À défaut de pouvoir goûter les plats, les internautes du monde entier aiment, partagent et commentent les posts et vidéos. « La première chose que l’on fait avant de manger c’est de prendre une photo et de la partager », indique Nicolas Buisson, photographe et réalisateur. « Aujourd’hui, nous sommes tous des photographes culinaires avec nos smartphones. » D’où l’importance de la scénarisation sur le web. Photos et vidéos ont de beaux jours devant elles à condition d’innover et de faire évoluer les formats.
« La photo est primordiale. C’est ce qu’on voit en premier quand on cherche une recette sur Google ou Pinterest », souligne Marilyne Clarac, rédactrice en chef adjointe de Cuisineactuelle.fr. « On s’inspire des codes de la photo pour nos vidéos pour développer l’esthétisme de nos tournages. » Cuisineactuelle.fr préfère également les vidéos plus longues, car « on va avoir envie de se poser et de prendre le temps. »
« La puissance de la vidéo est exceptionnelle sur les réseaux sociaux », ajoute Maxime Barbier, co-fondateur de MinuteBuzz. Mais « il faut sortir de la cuisine, aller à la rencontre des chefs et être différenciant. »
Entre influences globales et traditions locales
7 Français sur 10 ont faim de découvrir la gastronomie plus lointaine. L’inverse est vrai. « Les étrangers sont friands de la gastronomie française », note Yarden Horwitz, Trendspotting Lead chez Google. Les requêtes le prouvent : au cours des 12 derniers mois, le Japon a témoigné le plus d’intérêt pour notre cuisine, suivi par l’Australie et le Royaume-Uni.
« La gastronomie connaît les mêmes disruptions que nombre d’industries comme les services ou le commerce », commente Thierry Jadot, président Dentsu Aegis Network France-MENA. Le digital, et plus spécifiquement le mobile, joue un rôle clé dans la découverte de nouvelles cultures culinaires mais aussi dans la valorisation des terroirs. « On assiste à une uniformisation des goûts et, en même temps, les Français ont la volonté de recréer du lien social et local. Ils disent « oui » à l’intégration des influences extérieures et « oui » à un retour aux fondamentaux. » Une dichotomie illustrée par 2 startups : AnotherChef, service de chefs à domicile qui fait découvrir les spécialités du monde entier, et Pourdebon, place de marché qui met en relation producteurs et artisans avec des consommateurs de produits du terroir.
Accent Frenchy et inspirations internationales, Alexis Ainouz de la chaîne YouTube Alex French Guy Cooking emmène la gastronomie française dans un tour du monde des épices et se place en ambassadeur du « taste global, eat local ». Car, insiste le chef triplement étoilé Alain Ducasse : « Il faut globaliser le local. Les frontières, c’est terminé. »
Praticité, partage et engagement éco-responsable
Si la consommation française fait la part belle aux repas à domicile (81% contre 78% en Espagne et 72% au Royaume-Uni), le hors domicile progresse nettement en 2016 (+4,9% pour le dîner, +6% pour le déjeuner et +10,2% pour le petit-déjeuner1. Idem pour le snacking (+9,5 millions de snacks par rapport à 2014). « Les millennials sont annonciateurs de la suite », note Marie-Aude Lerin-Joarlette, Expert Solutions, Kantar WorldPanel. « Ils consomment de plus en plus hors domicile et recherchent la praticité. »
Spécificité française, le quatuor entrée-plat-fromage-dessert se fragilise à 2 niveaux : 10 millions d’entrées et 8,4 millions de desserts en moins, mais un million d’apéritifs en plus par rapport à 20141. « Les Français sont davantage dans la recherche de partage et de convivialité. Ils essaient de réguler leur alimentation pour se permettre plus de plaisirs en dehors des repas. »
Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing R&D, TF1 Publicité, voit ici l’émergence d’un courant plus collaboratif et accueillant. Placée sous le signe du Do-it-Yourself, la « tendance pop-culture » favorise le partage du savoir et des recettes. « Le bonheur est dans le prêt, et votre voisin vous veut du bien. Sa blanquette est magnifique, et il va vous apprendre à la préparer. »
Végétariens, vegans, bio, flexitariens : c’est tendance de se mettre au vert. Sujet impulsé par les millennials, le green valorise une alimentation saine, équilibrée et éco-responsable. « L’alternative est dans le pré », mais pas que ! Aquaponie, boucheries végétales ou potagers d’intérieur poussent comme des champignons. 750g, plateforme culinaire du groupe Webedia, s’empare du phénomène et lance 750 Green, site de curation de recettes saines. « En termes de performances, le green est moins efficace que le chocolat qui fond ou le fromage qui coule, mais notre devoir d’éditeur est d’accompagner les gens sur ces sujets pour les aider à acquérir des réflexes », explique Caroline Lagayette, directrice du Pôle Food chez Webedia.
Demain, pas de food sans tech
Les millennials sont fans de foodtech. Lutte contre le gaspillage alimentaire, livraison de repas à domicile, culture de fruits et légumes depuis son smartphone : leur appétit pour de nouveaux modes de consommation ancrés dans le digital est réel.
Selon Laurent Bliaut, la foodtech disruptera nos habitudes de consommation à l’horizon 2020. Du robot qui livre les pizzas quasi-instantanément ou qui reproduit les recettes des grands chefs à l’hyper-personnalisation de l’offre alimentaire (e.g. sans gluten, sans lactose, à teneur réduite en sucres ou en matières grasses, customisation de l’emballage) grâce à la data : la technologie sera un allié en cuisine.
Or, la foodtech française a faim de financement. Un comble au pays de la gastronomie ! La part des fonds investis en France est de 0,45%, rappelle Mathieu Vincent, co-fondateur de DigitalFoodLab, agence de développement des entreprises de foodtech. En 2015, 7 milliards de dollars ont été investis dans la foodtech dans le monde, dont 80% aux États-Unis et en Asie, ajoute Xavier Boidevezi, Secrétaire National de la FoodTech, réseau thématique de la French Tech. « La force est d’aller chercher de l’innovation partout et de l’adapter à la culture locale. Le digital vient amplifier le bénéfice. »
Globaliser le local : une tendance durable nourrie par le digital.